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Le revenu garanti

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La prochaine étape du développement social est un revenu garanti pour tous. La sécurité du travailleur ne doit plus dépendre d’un droit toujours précaire à son emploi, mais d’un droit que lui garantit la collectivité a un revenu ferme lié à sa compétence acquise. Ce revenu doit lui être garanti indépendamment des activités concrètes que le système peut juger opportun d’exiger de lui. C’est sa disponibilité qui doi être sa contribution.

Il est absurde que dans tous les pays développés il n’existe pas déjà un revenu annuel garanti pour tous. Absurde, parce qu’un revenu garanti est plus équitable, plus valorisant, et ne coûte pas plus cher, que le saupoudrage erratique d’assistances ponctuelles qui est offert présentement un peu partout. C’est une grande source de confusion, d’injustice et de frustrations que de s’en remettre à des douzaines de programmes de soutien au revenu et à l’emploi pour faire face à la crise actuelle et, plus généralement, pour vivre le passage d’une struture industrielle d’emplois vers une économie tertiaire.

Garantir le revenu ne coûte pas plus cher, puisque chaque pays développé, sous divers masques, assure déjà un minimum vital à toute sa population. Il le fait parce que l’éthique collective ne supporterait pas qu’on laisse mourir de soif au bord de la fontaine, mais aussi, plus cyniquement, parce qu’une société de consommation exige, pour le bien de ceux qui produisent – qui sont ceux qui ont le pouvoir – que la demande de ceux qui consomment soit maintenue effective.

L’argent est là et on en met beaucoup. Mais, en l’accordant sous forme d’aumône, d’une façon vexatoire et humiliante, notre société perd son argent (notre argent!) de trois façons. D’abord, on démotive et on marginalise ceux qui reçoivent cette assistance financière; ensuite, on augmente les coûts de distribution de ce revenu; enfin, on renonce à la richesse réelle considérable en biens et services que représenterait le produit du travail de tous ces travailleurs qu’on a laissés pour compte.


 Ce qui est absurde va bientôt devenir intolérable.

Non pas intolérable pour quelques-uns, mais intolérable pour vous, pour moi et pour tous, à la mesure de l’insécurité croissante que va introduire pour tous l’accélération de la transformation des méthodes et des modalités de travail. Aujourd’hui, avoir travaillé dix ans dans une activité programmable sans avoir été recyclé, c’est déjà vivre en sursis de chômage et jouir d’une chance inespérée. Demain, si nous voulons demeurer à la pointe du progrès, les méthodes de travail devront se transformer encore plus vite.

Le travailleur ne doit plus espérer exercer un même travail ni occuper une même fonction plus de dix ans; ce serait une contrainte insupportable pour le système de production. 

Au contraire, le travailleur doit se préparer à consacrer désormais 10% et bientôt 20% de sa vie active à la formation et, après chaque recyclage, il devra aller vers le poste le plus productif pour lequel il sera devenu le mieux qualifié. Un poste différent de celui qu’il aura quitté. C’est à ce prix que nous bâtirons le système de production le plus performant et que nous pourrons assurer au travailleur le meilleur niveau de vie.

Nous serons loin de la sécurité d’emploi, qui est un anachronisme. Il faut penser sécurité du revenu. Le travailleur n’acceptera de bon gré ces incessants changements de sa vie professionnelle que s’ils ne mettent pas en péril son revenu. Il aura bien raison, car ce n’est pas lui qui fixe les taux d’intérêts et qui établit les politiques fiscales et douanières. Ce n’est pas lui qui choisit les infrastructures à créer et qui privilégie ainsi une avenue de développement plutôt qu’une autre; ce n’est pas lui qui finance le développement technologique, qui évalue les besoins de main-d’oeuvre à tous les niveaux et qui planifie les programmes d’éducation et de formation.

Le travailleur n’a aucun contrôle sur toutes ces décisions qui font que l’offre et la demande de main-d’oeuvre s’ajustent ou ne s’ajustent pas. il est la victime innocente d’un jeu de hasard, une « loto du chômage » que la société est d’accord pour tolérer parce que, collectivement, nous en retirons l’avantage d’un progrès plus rapide. Le changement que nous vivons profite à tout le monde, c’est pour ça que nous invitons le changement.

Le système a choisi d’optimiser son rendement d’une façon brutale, en défenestrant sans avis les moins agiles et les malchanceux. Le sans-travail n’a pas à être pénalisé, encore moins culpabilisé… Pourquoi serait-ce sa responsabilité de porter le poids des ajustements et serait-il mis au chômage sans qu’on lui garantisse la continuité de son revenu?  C’est toute la collectivité qui doit assumer le coût du changement, pas l’individu.

On a prévu jusqu’à présent de petits filets pour ceux qu’on précipite dans le vide; maintenant que nous allons évoluer de plus en plus vite sur le trapèze du changement et du recyclage continu, à la vitesse qu’imposera le rythme de l’évolution des technologies, il y a fort à parier que TOUT LE MONDE, au cours des prochaines décennies, aura l’occasion de profiter de la solidarité collective le temps nécessaire à son recyclage.

Il faut donc cesser de parler avec condescendance des « chômeurs » et des « assistés sociaux ».  » There, but by the grace of God go I … » Il faut que chacun puisse en profiter sans subir de pertes matérielles et sans humiliation. Il faut mettre en place immédiatement un régime de revenu garanti.

À quel niveau de revenus? Au niveau, d’abord, qui correspond pour chacun à la valeur déjà établi du travail qu’il fournit. Au départ, il faut s’en tenir aux revenus qui découlent des normes du marché du travail actuel. Non pas que ces normes ne devraient pas être modifiées, elle le devraient certainement, mais parce qu’il ne faut surtout pas que la décision technique de remplacer une foule de paiements ponctuels par un revenu garanti se transforme en un débat sur l’opportunité de donner plus ou moins aux défavorisés. Ce débat paralyserait toute action.

Il faudra faire aussi ce débat sur le redistribution de la richesse, mais gardons-le soigneusement à l’écart de celui sur la mise en place du revenu-travail garanti.

Pierre JC Allard

N.B. :  Ce texte  s’inscrit dans dans une section du site Nouvelle Société qui traite du travail et de l’emploi.  Pour le mettre en contexte, on peut lire le texte précédent et le texte suivant.


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